Il faut savoir vendre à temps, sans nécessairement attendre des jours meilleurs. Une bonne compréhension des réalités du marché de la transaction d’officines et de la conjoncture macroéconomique aidera les pharmaciens titulaires désireux de vendre leur fonds de commerce ou leurs parts sociales à forger leur décision. Et, au besoin, à recourir à des stratégies ou montages pour rendre leur officine plus attractive auprès des acquéreurs.

Pourquoi céder son officine ?


De nombreux facteurs poussent un pharmacien titulaire à vendre son fonds de commerce ou ses parts sociales.
Les uns sont subjectifs : lassitude professionnelle assez légitime à l’approche de l’âge du départ en retraite, désir de se remotiver en vendant son affaire et en rachetant une autre en changeant, par exemple, de région, ambition professionnelle, raisons de santé, etc.
Les autres sont objectifs : cession sous la contrainte économique, cession stratégique en vue du développement du patrimoine professionnel, motivation fiscale telle que l’exonération des plus-values liées au départ à la retraite (l’abattement fixe de 500 000 euros mis en place pour les plus-values de cessions de titres à l’IS réalisées par les dirigeants partant à la retraite en vigueur jusqu’à fin 2024 pourrait être prolongé par la future loi de finances pour 2025, à suivre…).

Quel prix pour ma pharmacie ?

Pour un chef d’entreprise, l’objectif principal est, en général, d’obtenir le meilleur prix possible pour son affaire. La tentation est parfois grande (et naturelle) de surestimer le prix de vente de son officine ou de le caler sur les dernières statistiques des prix de cession d’Interfimo. Ce n’est pas aussi simple que cela !
En fonction de la taille de l’officine, de sa typologie et de sa localisation, certains titulaires seront amenés, comme chaque année, à céder leurs officines à des prix supérieurs à leur valeur « économique ». D’autres, au contraire, céderont leurs fonds ce commerce à des prix bien inférieurs à la rentabilité dégagée. Ou, dans le pire des cas, ne trouveront pas de repreneurs.

Vendre plutôt le fonds en 2025

Concernant la fixation du prix, le pragmatisme doit donc être de mise, en particulier du côté des vendeurs. Les prix baissent et vont continuer de diminuer, dans un contexte de baisse de rentabilité évidente des officines. Et il ne faut pas s’attendre à ce que la dépréciation des prix des officines s’essouffle avec la légère baisse des taux !
De plus, les indicateurs techniques, fiscaux notamment, risquent de renforcer cette tendance. En effet, la fin à partir de 2026 du dispositif d’amortissement des fonds acquis laisse augurer un décrochage de la valeur des fonds. D’où l’intérêt de vendre son fonds cette année plutôt que des parts sociales dont l’acquisition n’ouvre pas droit à l’amortissement.

Une année de réforme

2025 marquera une année charnière, où les nouvelles réformes fiscales, notamment pour les associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) imposés en grande partie dans la catégorie des BNC, vont bouleverser les habitudes de gestion. On sait aussi à quel point la fiscalité (que réserve la prochaine loi de finances ? Comment va évoluer la fiscalité à l’IS ? Etc.), peut influencer la santé financière de son officine et peser sur les décisions stratégiques. Il est donc essentiel de ne pas rester passif face au changement et s’entourer d’experts compétents pour optimiser la réalisation de son patrimoine professionnel.

Une cession, ça se prépare !

Bon nombre de titulaires désireux de céder un fonds ou des parts sociales dans des conditions satisfaisantes devront anticiper toutes les hypothèses, des plus optimistes au plus pessimistes. Soit en préparant quelques années à l’avance cette vente (regroupement, transfert, restructuration d’une SARL en SELAS avant de céder ses titres afin de faire bénéficier l’acquéreur de droits d’enregistrement réduits à 0,1%, travaux, projets de développement, fidéliser et former son personnel…).
Soit en intégrant toute stratégie ou montage visant à faciliter l’opération de cession ou de transmission projetée (crédit vendeur, cession progressive des parts sociales à un adjoint salarié, transmission de l’officine à un enfant diplômé, autres montages associatifs tels que devenir co-emprunteur, pour un cédant, lors d’une opération de cession du fonds à une SEL intégrant un jeune associé prometteur, conservation par le cédant ayant cessé son activité professionnelle d’une participation minoritaire dans le capital de la SEL dans laquelle il a exercé…).
L’objectif du vendeur est d’adapter sa pharmacie au projet des repreneurs et à ses fonds propres. Si ce travail préparatoire pour rendre son officine plus attractive auprès des futurs acquéreurs n’a pas été réalisé en amont, alors faudra-t-il peut-être différer la décision de vendre ?

Tous les voyants sont au vert (moyennant quelques précautions), les jeunes (ou moins jeunes) diplômés ont toutes les raisons de croire en l’avenir et l’installation. Explications.

Est-ce le bon moment, en 2025, pour s’installer ?

Oui ! Personne ne vous dira jamais l’inverse. Non par complaisance, mais parce que l’acquisition d’une officine a été de tous temps un excellent investissement sur le plan patrimonial lorsqu’elle est bien gérée. Si la valeur du fonds de commerce se maintient et que le titulaire est rémunéré normalement pour son travail, le rendement des capitaux investis est de l’ordre de 13 à 15 % en moyenne sur 10 ans. L’essentiel pour un primoaccédant est de comprendre qu’il ne faut pas attendre pour s’installer car le temps est plus précieux que l’argent.

Un contexte favorable à l’installation

La nouvelle configuration du marché de la transaction d’officines offre des points d’entrée intéressants. En 2024, avec la fin de l’ère prolifique des activités liées au Covid-19, les prix des officines se sont ajustés à la baisse, évitant aux banques de demander des apports personnels plus importants aux acquéreurs.
Contrairement à l’an passé, les hypothèses pour 2025 sont assez lisibles sur le plan économique. L’érosion du taux de marge global et de la rentabilité, sous l’effet de l’augmentation des charges et de l’envolée des médicaments chers, est une évolution a priori structurelle en l’absence de revalorisation des tranches de la MDL ou des honoraires. Certes, il est légitime que les candidats à l’installation s’interrogent sur cette tendance et l’intègrent correctement dans leurs analyses et négociations avec les vendeurs. Il faudra des arguments locaux et spécifiques pour justifier dans les prévisionnels d’exploitation des augmentations de rentabilité.
D’ici quelques mois, la valorisation des fonds reposera sur les bilans de 2024. Les indicateurs économiques laissent augurer une poursuite du cycle baissier de la valeur des fonds.
Conjuguée à des conditions de crédit qui redeviennent bon marché (taux autour de 3%), la baisse des prix remet l’acquisition d’un fonds de commerce de pharmacie ou de parts sociales au rang des investissements à étudier.

Le marché restera dynamique en 2025

Les fondamentaux de l’officine restent solides, permettant ainsi de conserver la confiance des banques. L’officine de proximité tient plus que jamais une place essentielle dans l’offre de santé locale tandis que les nouvelles missions sont prometteuses d’un complément d’activité et de marge.
Demeurant la principale cause de transmission, le nombre des départs en retraite devrait s’accroître dans les 5 années à venir, offrant de nouvelles opportunités d’installation. Autant de raisons qui soutiennent le dynamisme du marché.

Un environnement législatif favorable à l’acquisition/cession de pharmacies

L’année 2025 réserve encore des opportunités fiscales à saisir, dont certaines s’éteindront le 31 décembre prochain telles que l’amortissement du fonds commercial, un avantage fiscal temporaire accordé lorsque le fonds est acquis du 01.01.2022 au 31.12.2025. Amortir comptablement et fiscalement le fonds pendant 10 ans se traduit pour les acquéreurs par moins d’impôt, plus de trésorerie et une capacité d’autofinancement améliorée…
L’abattement fixe de 500 000 € mis en place pour les plus-values de cessions de titres à l’IS réalisées par les dirigeants partant à la retraite a expiré fin 2024 mais doit être normalement reconduit dans la future loi de finances pour 2025.
Depuis le 1er juillet 2024 (et jusqu’au 31 décembre 2029), un nouveau dispositif d’exonération, zones France ruralités revitalisation (ZFRR), a succédé au dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), avec le même volet d’avantages fiscaux et sociaux lors de la création ou de la reprise d’une officine dans ces zones.

Le regain de l’association

L’appropriation des nouvelles missions met en lumière un nouveau critère d’analyse dans les projets d’installation : l’effectif de la pharmacie. C’est devenu un point de polarisation des acquéreurs qui craignent, en faisant l’acquisition d’une pharmacie en manque de personnel, de ne pas trouver les collaborateurs dont ils auraient besoin. L’association (exploitation à plusieurs) est une solution qui revient en force face à l’absence ou le défaut de personnel dans les zones où il est difficile de recruter.
De même, l’association intergénérationnelle d’un titulaire avec un adjoint de qualité qui deviendra, à terme, son successeur, est aussi une solution intéressante pour les titulaires seniors confrontés à des difficultés de transmission.
Enfin, le parrainage en faisant entrer au capital de sa société un associé investisseur présente bien des avantages : pas de risque de surendettement du primoaccédant lié au cumul des emprunts et à un recours exagéré au booster d’apport, crédibilisation renforcée du dossier d’acquisition auprès de la banque, bénéfice pour le jeune de l’expérience de son associé et de son réseau de partenaires habituels, etc.

L’an dernier, une page de l’économie de l’officine s’est tournée. La croissance de l’activité n’est plus portée par l’effet Covid mais par la progression indéfectible des ventes de médicaments chers mais peu margés (5% en moyenne). Le nouveau cycle d’activité qui a pris place renoue avec des standards plus conformes à l’activité traditionnelle d’une officine (+2,4% du CA HT en 2023, selon les statistiques de l’édition 2024 d’Interfimo sur les prix et valeurs des pharmacies, 939 dossiers de transmission étudiés).

Années Covid : un lourd héritage à porter

Le retrait des activités Covid a laissé des traces au niveau des évolutions de la marge en volume (baisse de 7%) et du taux de marge (-3,1 points à 29,5% du CA HT). L’héritage est lourd également au niveau des frais de personnel : il a fallu embaucher à des coefficients très élevés pendant la crise sanitaire puis effectuer des opérations de rattrapage des salaires pour les équipes en place. Et aujourd’hui, les pharmaciens titulaires conservent leur sureffectif par peur d’un départ qui serait difficile à remplacer.
La situation s’est complexifiée par l’accéléra¬tion de l’inflation, la hausse des charges et la remontée des taux d’intérêt, concourant à créer un effet de ciseau qui impacte fortement l’excédent brut d’exploitation ou EBE (-4 points à 9,7% du CA HT).

Les prix n’ont pas résisté

Ce nouveau paradigme a fini par rattraper le marché des transactions au cours du second semestre 2023 qui amorce une baisse importante du prix de cession moyen d’une officine en pourcentage du CA HT (hors activité Covid), pour finir sur l’année 2023 à une moyenne de 84% (-3 points versus 2022) pour les officines de plus de 1,2 M€ de CA et de 59% (- 5 points) pour celles de moins de 1,2 M€ de CA. La baisse est également générale (toutes tailles et typologies confondues) et importante dans les valorisations en multiple de l’EBE « reconstitué » (avant rémunérations et cotisations sociales des titulaires cédants). Le prix de cession moyen s’établit à 6,4 fois l’EBE (-0,3 point) pour les officines de plus 1,2 M€ de CA et à 5,3 fois l’EBE (-0,1 point) pour les officines de moins de 1,2 M€ de CA, cette dernière baisse étant portée principalement par les pharmacies rurales.
Pour sa 33e édition, l’étude Interfimo propose une nouveauté : une approche des prix de cession en multiple de la marge commerciale brute dont l’intérêt est de prendre en compte l’impact des produits chers sur la rentabilité de l’officine. La taille est là-aussi un critère déterminant du prix de cession. Pour les officines de moins de 1,2 M€, il est en moyenne de 1,9 fois la marge avec 60% des opérations comprises entre 1,3 et 2,4 fois la marge et pour celles de plus de 1,2 M€ de CA, il est de 2,7 avec 60% des cessions entre 2,3 et 3,3 fois la marge. Quelle que soit la méthode de valorisation utilisée, les disparités s’amplifient entre petites et grandes officines et celles dans les régions subsistent.

Un marché en pleine vitalité

Grâce à des prix de cession qui s’adaptent à la rentabilité des officines, le marché est resté dynamique l’an dernier, sous l’effet d’un nombre record des départs en retraite (1820, +4% vs 2022, source : CAVP) et du nouveau dispositif de l’amortissement temporaire du fonds commercial sur 10 ans incitant à la reprise d’un fonds : +8% de mutations à 1606 opérations contre 1490 en 2022.
Selon les prévisions, le marché restera actif en volume sur l’année 2024 et suivantes en raison des mouvements de départs en retraite à l’origine de 25% des mutations dans les 5 prochaines années, et avec la baisse déjà amorcée des taux d’intérêt.
L’année 2024 devrait être une année charnière avec une poursuite de l’ajustement des prix au vu de la présentation de bilans 2023 moins « reluisants » qu’en 2022 et 2021.